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27/11/2012

De nouveaux droits européens pour les victimes

L’avocate Sophie PÉRIER-CHAPEAU, spécialisée dans la défense et l’indemnisation des victimes témoigne

De nouveaux droits européens pour les victimes

La directive de l’Union européenne concernant les droits des victimes de la criminalité est entrée en vigueur depuis le 15 novembre 2012. Elle prévoit le respect, l’information, la protection et une meilleure indemnisation des victimes dans les vingt-sept États membres.
L’avocate Sophie Périer-Chapeau, spécialisée en la défense et l’indemnisation des victimes, témoigne.

Quelles sont les principales attentes et frustrations des victimes que vous avez représentées ?

Sophie Périer-Chapeau – La reconnaissance de leur qualité de victime est un élément très important. Le jour même de l’infraction, la personne blessée ou l’entourage de la personne décédée subit un préjudice immédiat. Pour elle, sa qualité de victime naît ce jour. Parallèlement, la sanction à l’égard de l’auteur de cette infraction peut intervenir bien des années après la constitution du dommage. Cet écart de temps, parfois très important (notamment lorsque le dossier est confié à un magistrat instructeur) est très difficilement vécu. Les victimes attendent également une juste indemnisation de leur préjudice. Elles sont souvent frustrées par la longueur des procédures. Par le fait qu’il leur est demandé à nouveau de prouver la réalité de leur dommage, de se soumettre à des expertises médicales, et par le montant des indemnisations qui leur est alloué.

Quel rôle les victimes souhaitent-elles avoir dans la procédure pénale ?

S.P-C – Les victimes veulent pouvoir faire appel de la décision rendue sur l’action publique à l’encontre de l’auteur de l’infraction. Elles veulent être informées de l’exécution de la peine. Elles aimeraient avoir le droit de s’exprimer à la fin de l’audience pénale, comme le prévenu. Elles sont souvent très choquées que des contre-vérités, voire des mensonges, soient les dernières paroles entendues par les magistrats. Elles aimeraient qu’il soit de droit qu’elles puissent s’exprimer personnellement à l’audience pénale. Aujourd’hui, leur avocat doit demander la permission au président du tribunal pour que la victime puisse exprimer elle-même sa souffrance à la barre. De plus en plus, les juges ne s’opposent pas à cette expression personnelle des victimes, mais il m’est arrivé encore il y a quelques mois de devoir me « battre » contre le tribunal pour permettre à une sœur qui avait perdu son frère dans un accident de la circulation d’exprimer toute sa souffrance en audience. Là encore, pour les victimes, les droits ne sont pas équilibrés.

Et les avocats de victimes ?

S.P-C. – Les avocats permettent tout d’abord à des personnes novices de la procédure de comprendre comment fonctionne le système pénal et la procédure indemnitaire. Elles attendent une écoute particulière sur leur souffrance et le bouleversement causé par l’infraction dans leur vie personnelle, familiale, professionnelle. Il leur permet aussi de comprendre les étapes de la procédure d’indemnisation et d’y être préparé. L’avocat est également pour la victime un moyen d’expression des souffrances et préjudices lors de l’audience, tout en étant un « contre-pouvoir » par rapport, notamment, aux compagnies d’assurance ou fonds de garantie susceptibles d’être condamnés à l’indemnisation de leur préjudice.

Quels sont les points de vulnérabilité les plus récurrents que vous avez relevé au cours de votre pratique ?

S.P-C. – Certaines victimes font le choix de se défendre seules. Elles sont souvent pénalisées, notamment quant au montant de l’indemnisation qui leur est offerte. Il arrive qu’une partie de leurs séquelles soient de ce fait passées sous silence, ou sous-évaluées, par les experts.
En étant assistées, elles sont aidées à formaliser leurs doléances et assistées pour chiffrer leur préjudice. Certains magistrats sont particulièrement formés à l’indemnisation du dommage corporel, à la connaissance du handicap, aux moyens de compensation de ce handicap…

D’autres le sont moins et peuvent être effrayés par les sommes indemnitaires sollicitées par les avocats de victimes en réparation du préjudice subi. Cette attitude a pour effet de freiner la réalisation d’un projet de vie, par exemple : une personne tétraplégique doit, après une longue période d’hospitalisation, pouvoir retourner à domicile. Ce projet ne peut cependant se réaliser dans le respect de sa santé, de sa dignité qu’à la condition de lui permettre de regagner un domicile adapté, de disposer de toutes les aides techniques utiles (fauteuil roulant, lit médicalisé, consommables, table de lit, lève malade, véhicule adapté …) et des aides humaines pour le prendre en charge en permanence.
D’autres victimes peuvent de leur côté se retrouver dans l’impossibilité de s’investir personnellement ou professionnellement dans un nouveau projet de vie qui nécessitait, pour être réalisé, d’être financé.

Dans quel cas, selon vous, le terme de victime devient inapproprié ?

S.P-C. – Le terme de victime est inapproprié dès lors que la faute reprochée à un tiers n’a pas été retenue.
Il y a des situations où des personnes se blessent sans qu’il n’y ait de tiers responsable. Il est possible de permettre leur indemnisation sur des fondements contractuels (par exemple la garantie sécurité conducteur des contrats automobiles) ou sur le droit d’être indemnisé d’un aléa thérapeutique, d’une contamination ouvrant droit à réparation par la solidarité nationale.