Un gendarme condamné pour avoir gravement blessé une cycliste. Article d’avril 2024
En janvier 2023, à Paris, Véronique T. a été percutée par un motard de la garde républicaine qui roulait à contresens sur une piste cyclable. Elle a passé plus de sept mois à l’hôpital et marche toujours avec des béquilles. Le gendarme a accepté un « plaider-coupable ».
Article de Camille Polloni, paru dans Mediapart le 12 avril 2024
12 avril 2024
Le déroulement des faits
Le 24 janvier 2023, peu avant 9 heures, Véronique T., une consultante de 53 ans, traverse Paris sur son vélo électrique pour aller au travail. Au même moment, le maréchal des logis-chef Patrick J., 54 ans, se rend au ministère des Affaires étrangères. Ce membre de la garde républicaine, affecté au cabinet du garde des Sceaux, transporte du courrier confidentiel et des plis d’extradition sur sa moto sérigraphiée de la gendarmerie.
Quai d’Issy, dans le XVe arrondissement, Patrick J. emprunte une piste cyclable à double sens pour éviter les embouteillages. Alors qu’il s’est déporté pour dépasser un vélo dans un virage, sans sirène ni gyrophare, il se retrouve face à Véronique T. qui circule en sens inverse. […]
Le 11 décembre 2023, onze mois après les faits, Patrick J. a été condamné pour blessures involontaires via une procédure de « plaider-coupable ».
Le gendarme a accepté la peine proposée par le parquet de Paris, puis homologuée par un juge : cinq mois de prison avec sursis, 600 euros d’amende, l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière et une annulation de son permis de conduire, pendant une journée.
La victime s’étonne de cette dernière mesure, « tellement symbolique que ça devient contre-productif ». Son avocate, Sophie Périer-Chapeau, qui n’a « jamais vu ça », en garde aussi « l’impression qu’on donne plus d’importance à la reprise de son activité professionnelle de gendarme » qu’à celle de sa cliente, toujours en arrêt de travail au bout de quatorze mois.
Sollicité par Mediapart, Patrick J. n’a pas donné suite. Au cours de l’enquête de police, il indiquait rester « très troublé » par cet accident et avoir reçu « une sanction militaire, un an de sursis avec vingt jours d’arrêt ». Son avocate, Virginie Bianchi, n’a pas souhaité s’exprimer. […]
Juste après l’accident, dont il est sorti indemne, Patrick J. est resté sur place en attendant les secours. Véronique T. s’en souvient à peine. « J’avais mal, j’avais froid, à mes côtés une dame m’a tenu la main et encouragée, c’était très précieux. »
Après plus d’une heure d’attente, le temps que les pompiers puis le Samu interviennent, elle est conduite à l’hôpital Cochin et immédiatement opérée.
La cycliste se réveille sous antidouleurs, avec un fixateur externe autour de sa jambe. Pour la première fois, le chirurgien évoque les risques d’infection et d’amputation. Une perspective « terrifiante » qui pèse comme « une épée de Damoclès au-dessus de [sa] tête » pendant des semaines, alors qu’elle doit rester alitée. […]
Les suites judiciaires
Lors de son audition par les enquêteurs à l’hôpital, un mois après l’accident, Véronique T. s’étonne de ces prises de contact. Interrogé à son tour en audition libre, fin mars 2023, Patrick J. confirme avoir « essayé plusieurs fois » de joindre la victime, « avec différents téléphones », « pour avoir de ses nouvelles ». Il affirme avoir trouvé ses coordonnées dans l’annuaire, bien que son numéro de portable n’y figure pas.
Pour l’avocate de Véronique T., Sophie Périer-Chapeau, ces appels et ce courrier sont « très déstabilisants pour une victime » et peuvent s’apparenter à « une pression ». […]
Comme sa cliente, Sophie Périer-Chapeau s’étonne que le gendarme n’ait « pas eu un mot ou un geste » envers la victime, lors de l’audience pénale, alors que ce cadre semblait plus adapté qu’un appel téléphonique pour formuler des excuses.
Sur le plan civil, plusieurs milliers d’euros d’acompte ont été versés à la victime avant sa consolidation définitive, ainsi qu’à son compagnon et ses enfants. Un jour, Véronique T. « espère pouvoir refaire du vélo ».
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